Posts Tagged ‘ Littérature française ’

Blandine Le Callet – La ballade de Lila K.

Blandine Le Callet - La ballade de Lila K.Des hommes sont entrés chez elle et ont emmené sa mère de force ; c’est comme ça que Lila s’est retrouvée là…

Le 16 novembre 2095, elle est internée dans un centre dont elle sera autorisée à sortir à sa majorité si elle est jugée apte à se débrouiller seule. En attendant, elle va devoir tout réapprendre, à parler, à marcher mais surtout à faire confiance aux autres afin de pouvoir un jour réintégrer la société. Un objectif qu’elle est bien décidée à atteindre quelles que soient les difficultés car c’est son seul moyen de retrouver un jour sa mère dont elle ne garde que très peu de souvenir si ce n’est un sourire…

J’ai aimé l’histoire globalement bien qu’il manque un petit quelque chose dans ce roman ; plus d’explications sur le fonctionnement de la société peut-être ? Blandine Le Callet a de très bonnes idées mais je pense qu’elle aurait pu aller encore plus loin dans cette dystopie.

Quoi qu’il en soit c’est un bon roman, qui nous amène à nous poser pas mal de questions sur ce que pourrait être la vie dans ce type de société et qui nous offre aussi un aspect psychologique très intéressant à travers les relations que Lila tisse avec les autres personnages. On se demande tout au long du livre jusqu’où elle va aller pour arriver à ses fins et surtout, ce qu’elle va découvrir sur cette mère dont l’existence semble avoir été effacée.

Un livre très différent de son premier roman Une pièce montée mais qui traite une fois de plus très bien les relations humaines.

Le livre de poche, février 2012

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Sire Cédric – De fièvre et de sang

De fièvre et de sang - Sire CédricDans une ferme isolée de la région toulousaine, les frères Salaville séquestrent et torturent des jeunes filles jusqu’à ce que mort s’en suive. Après des mois d’enquête, le commandant Alexandre Vauvert et la profileuse Eva Svärta se rendent sur les lieux pour arrêter les criminels. C’est une horreur indescriptible qui les attend, un nombre incroyable de corps mutilés, des miroirs brisés, et surtout ces inscriptions en lettre de sang qui laisse les policiers perplexes quant au mobile de ces homicides.

Pourtant, un an plus tard, à Paris cette fois, de nouveaux meurtres suivant le même procédé ont lieu. Le cauchemar n’est pas terminé…

Cela faisait longtemps que je n’avais pas été aussi angoissée en lisant un bouquin ! Dès les premières pages j’étais partagée entre l’envie de reposer le livre tout de suite pour m’éviter des cauchemars et celle de continuer à plonger dans cette enquête sordide. C’est mon côté maso qui l’a emporté et j’ai sombré dans l’horreur en compagnie d’Eva Svärta, cette sublime trentenaire albinos qui chasse ses propres démons en même temps que les criminels. L’ambiance générale, même si oppressante, m’a vraiment plu ainsi que les personnages qui sont tous si bien dépeints qu’on a aucun mal à les imaginer (et à les haïr pour nombre d’entre eux). D’autre part, notons que le style de Sire Cédric a encore gagné en maturité et que le scénario est très bien ficelé, rien n’est laissé au hasard. Vraiment, je ne trouve aucun reproche à faire à ce roman et je vous encourage à le lire si vous avez le cœur bien accroché.

Le Pré aux Clercs, mars 2010

Mélanie Fazi – Serpentine

Serpentine - Mélanie FaziCela fait longtemps que j’entends parler de Mélanie Fazi. J’ai lu pas mal de livre qu’elle a traduit, mais je n’avais jamais lu ses propres livres. C’est donc avec ce recueil de nouvelles, Serpentine, que je la découvre, et ça vaut le détour. Et ce n’est pas Michel Pagel, célèbre écrivain fantastique français et auteur de la préface, qui me contredira.

Les nouvelles de Mélanie Fazi nous entraînent dans des lieux qui nous sont plus ou moins familiers tels que les couloirs du métro parisien, un restaurant grec, une salle de concert, une aire d’autoroute, etc. Elle décrit tout cela tellement bien que l’on s’y retrouve complètement. Puis elle instille l’élément fantastique qui nous fait basculer dans un autre monde où l’on retrouvera créatures mythologiques, revenants et autres entités de l’imaginaire.

Mélanie Fazi aborde des thèmes qui nous sont familiers tels que l’enfance, la maternité ou encore la mort ce qui fait que le lecteur se sent parfois des affinités avec les personnages qu’il côtoie tout au long de sa lecture. C’est donc avec un grand bonheur que l’on se plonge dans ses nouvelles ; le style est excellent, chaque histoire nous intrigue, nous effraie et nous grise. On en redemande !

J’ai donc maintenant très envie de découvrir les autres nouvelles et ainsi que les romans de Mélanie Fazi : Trois pépins du fruit des morts paru en 2003 chez Nestiveqnen, et Arlis des Forains et Notre-Dame-aux-Écailles parus respectivement en 2004 et 2008 chez Bragelonne.

Son œuvre a été récompensée par de nombreux prix dont le Grand Prix de l’Imaginaire en 2005 pour le présent ouvrage.

Folio, mars 2010

Céline Curiol – Permission

Permission - Céline CuriolDans un pays non défini, le narrateur est embauché par une organisation internationale appelée l’Institution en tant que « résumain » ; son travail consistera à prendre en note les éléments importants des réunions tenues à l’Institution et à faire un résumé qui sera remis à la presse.

C’est au travers du rapport qu’il écrit que nous allons apprendre à connaître le quotidien, extrêmement policé, de cet homme. Le récit qui débute en relatant les faits tels qu’ils se produisent devient petit à petit plus personnel et intègre des réflexions du narrateur, réflexions qui ne lui serait pas venues à l’idée avant qu’il fasse la connaissance de A., son collègue et surtout son concurrent. Excepté les trois bars de l’Institution, à la fois lieu de travail et lieu d’habitation pour tous les employés, les relations entre collègues ne sont pas encouragées ; sans être explicitement interdites, elles sont plutôt mal vues au sein de l’Institution. C’est pourquoi, lorsque A. tente de lui parler, le narrateur se demande ce qu’il peut bien lui vouloir et essaye de s’en débarrasser, pensant, dans une sorte de délire paranoïaque que celui-ci veut lui piquer sa place – et compte tenu de l’atmosphère qui règne à l’Institution, je dois dire qu’on le comprend. Cependant, A. a un objectif bien précis…

Le récit de Céline Curiol est tout à fait maîtrisé. On pense bien évidemment à quelques classiques des romans d’anticipation tels que 1984 et Le meilleur des mondes et on se rappellera également de Fahrenheit 451. Je dois dire que j’ai été agréablement surprise par ce roman qui s’avère être une très belle expression de la liberté d’agir et de penser, et d’écrire !

Babel, mars 2010

Jean-Philippe Depotte – Les démons de Paris

Les démons de Paris - Jean-Philippe DepotteDans le Paris du début du XXe siècle, Joseph Sterbing est un jeune prêtre capable de converser avec les morts ce qui lui a valu le surnom de « Saint Joseph des Morts ». Plus qu’une vocation religieuse, Joseph tente d’établir de manière scientifique ce qu’il y a après la mort. Ainsi, pour étayer ses théories, il converse avec les cadavres de la morgue de l’Hôtel-Dieu, notamment un petit garçon prénommé Marcel dont le corps n’a pas été réclamé.

C’est en compagnie d’Eloïs Bienvenüe, fils du célèbre concepteur du métro parisien, Fulgence Bienvenüe, et récemment employé au Ministère des affaires implexes, que Joseph va poursuivre ses recherches rue Galvani dans un immeuble que lui a indiqué le jeune Marcel. Ils vont alors assister à une expérience étrange au cours de laquelle une forme démoniaque va se matérialiser alors qu’Eloïs va disparaitre dans une machine infernale. Joseph pris dans l’engrenage des évènements n’aura alors de cesse de rechercher le frère jumeau de celle qu’il aime en secret, la jolie Lucille Bienvenüe.

Pendant ce temps, la présidente Victoire Desnoyelle doit organiser la visite du tsar Nicolas II dans le métro parisien malgré la menace révolutionnaire représentée par Vladimir Oulianov, alias Lénine, réfugié à Paris. Elle se heurte à l’Okhrana qui souhaite assurer la sécurité du tsar à la place de la police française. Un accord sera finalement trouvé mais les moyens mis en œuvre ne seront pas forcément des plus orthodoxes.

Jean-Philippe Depotte s’amuse à mélanger les faits et les grandes figures historiques avec un univers démoniaque dans un thriller historico-fantastique qui nous entraîne dans les profondeurs de Paris ; et il le fait avec brio ! Sous cette superbe couverture signée Daylon, se trouve une lecture fabuleuse au scénario recherché, qui ne séduira pas seulement les amateurs de fantastique.

Un premier roman très réussi d’un auteur que l’on surveillera de près.

Editions Denoël, février 2010

Fabrice Colin – Big Fan

big fan - fabrice colin

Je vous ai déjà parlé de Fabrice Colin à propos de quelques uns de ses romans en littérature jeunesse – La Saga Mendelson, Les vampires de Londres – mais il écrit aussi des romans pour adultes, et ce avec tout autant de talent !

Le roman Big Fan est composé de trois parties qui s’entremêlent. D’une part, une biographie de Radiohead, groupe de la scène rock alternative apparu dans les années 90, d’autre part, l’histoire de Bill Madlock, fan absolu du groupe, de son enfance entre un père absent, une mère surprotectrice et un iguane domestique à l’évènement qui va le mener en prison d’où il va se mettre à écrire sous forme de lettres ses explications sur la fin du monde, et qui compose la troisième partie. Ça a peut-être l’air compliqué dit comme ça, mais ça se lit très bien !

Quand William Madlock, un anglais obèse depuis l’enfance, découvre Radiohead plus rien n’a d’importance pour lui que ce groupe. Cette passion devient fanatisme ; il ne supporte pas d’autre musique et encore moins les gens qui écoutent autre chose que Radiohead. Déjà exclu de la société par son obésité, il va s’enfermer encore plus dans la solitude, peuplée uniquement par les cinq d’Oxford. Mais c’est surtout lorsqu’il prend conscience que leur musique délivre un message visant à dénoncer un complot mondial – orchestré par la Police du Karma – devant entraîner la fin du monde, que son fanatisme prend des proportions dangereuses.

Quant au fait que Fabrice Colin ait choisi de nous parler de Radiohead, je dirai une chose ; si vous aimez, vous prendrez plaisir à lire ce livre en écoutant l’intégral de leurs albums, si vous ne connaissez pas, vous aurez sûrement envie d’écouter ce que ça donne ne serait-ce que par curiosité, et si vous n’aimez pas Radiohead rassurez-vous, cela ne vous empêchera en rien d’apprécier ce livre !

Fabrice Colin surprend et ravit une fois de plus, et on aime ça !

Editions Inculte, janvier 2010

Jérôme Noirez – L’empire invisible

L'empire invisible- Jérôme NoirezClara Walker est une jeune esclave de 14 ans, elle passe ses journées en plein soleil à ramasser du coton dans la plantation de la famille Wingard en Caroline du Sud et vit avec son père Nat, sa mère ayant été vendue un très bon prix à un autre propriétaire… En plus d’être un travail extrêmement difficile, Clara doit faire face aux regards mauvais et aux coups de fouets de l’intendant Daugherty, homme à la faible intelligence qui n’est en rien arrangé par son goût pour la boisson. C’est donc auprès de son père, Nat Walker, homme sage et respecté par la communauté que la jeune Clara trouve un peu de réconfort.

Pourtant même cela va lui être enlevé par la méchanceté et la bêtise de quelques hommes, entre autre l’intendant Daugherty et Edwin, le fils aîné de la famille Wingard qui, encapuchonnés,  terrifient les esclaves en leur faisant croire aux esprits. Un soir, ils tombent sur Nat Walker parti célébrer une messe dans la propriété voisine, celle des Riley. Il est battu à mort. Dès lors, Clara n’a qu’une idée en tête, se venger. Elle va alors faire appel à Aaron, un être étrange qu’elle a rencontré dans les bois et qui semble être à même de réaliser son désir de vengeance…

Un récit vraiment poignant, au cours duquel vous serez assaillis de sentiments divers, tristesse, colère, peur, espoir, et c’est ce qui en fait à mon sens un très bon roman. Vous ne resterez sans doute pas indifférents aux malheurs de Clara. Les personnages sont très bien décrits, il n’y a pas de temps morts, et le mélange historique/fantastique apporte un plus au roman.

D’ailleurs en ce qui concerne le côté historique,  vous trouverez à la fin de l’ouvrage, pour parfaire vos connaissances et mieux vous repérer,  une chronologie de l’esclavage aux Etats-Unis ainsi que quelques éclaircissements sur le Ku-Klux-Klan ou encore l’émergence du spiritisme…

Le style en fait un roman facile d’accès pour les plus jeunes mais je le conseille fortement aux  lecteurs de tous âges. Jérôme Noirez est un auteur à suivre, je ne manquerai certainement pas de vous en reparler !

J’ai lu, février 2010

Martin Page – Une parfaite journée parfaite

Une parfaire journée parfaite

Nous avions découvert Martin Page avec Comment je suis devenu stupide dans lequel le narrateur plongeait délibérément dans l’alcoolisme afin de ne plus être capable d’analyser sa triste vie. Voici son deuxième roman : Une parfaite journée parfaite.

Dans ce court roman, nous suivons la journée du narrateur, une journée somme toute banale, celle que nous vivons à peu près tous chaque jour. Le réveil sonne, on se lève, prend le petit déjeuner, part travailler. Sauf que tout au long de cette journée, il va tenter de trouver la meilleure méthode pour se suicider car tel est son objectif, un peu à l’instar d’Antoine dans le premier roman de Martin Page. On peut voir dans ce roman une critique de la société de consommation mais pas seulement. Il raconte aussi le malaise d’un homme et ce qu’il invente pour oublier son désespoir, comme par exemple le quatuor de mexicains reprenant les standards pop-rock qu’il croise tout au long de sa journée, dans l’ascenseur ou à la cantine. Ce livre est bourré de trouvailles, d’humour et de métaphores et d’une grande richesse bien qu’il ne fasse qu’une centaine de pages.

Un roman qui se lit agréablement et arrive à faire sourire malgré son sujet, je le conseille si vous aimez le cynisme et l’humour noir.

Editions Points, janvier 2010